A l’initiative de l’Université du Maine et du Collectif l’Unité du Droit (www.unitedudroit.org), s’est tenue la première conférence Levasseur le 18 mars 2011 à l’université du Maine. Ces conférences ont pour objectif de rassembler autour d’un thème d’actualité juridique des universitaires et des praticiens. Les intervenants exposent leur réponse en adoptant un angle d’approche critique puis en débattent avec l’auditoire. Ces conférences sont ouvertes à tout public et organisées avec le soutien de la Faculté de droit et de son laboratoire le Themis-Um.
Le premier thème retenu, « Qui fait la loi ? », a rassemblé quatre intervenants, sous la présidence de Mme Juliette Gaté, enseignant-chercheur à l’Université du Maine. Le premier intervenant, M. Mathieu Touzeil-Divina, également enseignant-chercheur dans la même université, a ouvert le bal avec un exposé habilement provocateur, « la dévalorisation parlementaire continue ! ». Le professeur a débuté par énoncer une doctrine trop communément partagée et qui consiste à présenter la dernière révision constitutionnelle comme ayant renforcé le rôle du Parlement dans la confection de la loi. Fort de ce dogme, le Président du CLUD a démontré, exemples textuels à l’appui, qu’il n’en était rien et que nous assistions, au contraire, à une dévalorisation de la fonction parlementaire.
Suite à cette brillante provocation, Mme Wafa Tamzini (c’est moi !) est intervenue pour tenter d’expliquer ce que recouvre l’expression « légistique » (« Qu’est-ce que la légistique ? »). Vaste programme tant les définitions varient selon les auteurs étudiés, allant de l’art de bien écrire le droit à la science de la norme, en passant par les méthodes de rédaction des normes. La légistique semble pour une partie de la doctrine, remonter à la nuit des temps puisque caractérisée comme consubstantielle à la naissance du droit (Platon par exemple dans son dernier dialogue dissertait déjà de l’art de bien rédiger la loi…). Pour d’autres, cette préoccupation est plus récente et accompagne le mouvement tant (et peut-être trop ?) décrié de l’inflation législative. Art ou science ? Le statut reste discutable, tant et si bien que le Guide de Légistique, disponible sur Legifrance, ne date que de 2005 pour sa première édition et ne semble pas satisfaire pleinement le besoin supposé de simplification du droit (pour une critique « légistique » de cette légistique, cf. le blog du Pr Geneviève Koubi).
Puis ont été présentés deux témoignages : l’un d’une députée de la Sarthe, Mme Marietta Karamanli, l’autre de Mme Morgane Piederrière, chargée des relations institutionnelles auprès de France Nature Environnement.
Mme Karamanli, avec une verve originale, a développé la fonction actuelle du parlementaire et a exposé les contraintes de plus en plus lourdes pesant sur son travail. Allant dans le sens d’une dévalorisation de sa fonction, elle souligne les contraintes de temps mais aussi et peut-être surtout, les procédures aboutissant, le cas échéant, à ignorer le travail parlementaire (elle cite par exemple le cas de la discussion relative au budget rectificatif : les députés ont discuté de certains points pendant une semaine puis le rapporteur a réussi à tout faire voter ; en vain, le ministre du budget est ensuite intervenu et a, en l’espace de deux amendements, tout renvoyer aux oubliettes…).
Mme Morgane Piederrière a ensuite pris la parole pour décrire son rôle de lobbyiste auprès des parlementaires. Elle a précisé qu’il s’agit d’un travail de longue haleine, qui nécessite de plus en plus des compétences juridiques pointues. Ce travail consiste à préparer des amendements dans le but de les soumettre aux députés (qui souvent les acceptent tels quels, sans les modifier, qui fait la loi ?…), de participer à des auditions, de rencontrer des administrateurs, des responsables de groupe. Par exemple, pour la loi de Grenelle II, concernant la trame verte et bleue, 40% des modifications proposées ont été adoptées !
Enfin, M. Antonin Gelblat, doctorant à l’Université Paris Ouest, a conclu cette première manifestation en démontrant qu’une valorisation du Parlement via l’Union européenne était envisageable (« Une revalorisation parlementaire par le biais du Traité de Lisbonne ? Les articles 88-6 et 88-7 de la Constitution). Sur le fond, le parlement, selon lui, resterait le principal défenseur de la souveraineté nationale aux yeux de l’Union européenne. Mais sur la forme, la mise en œuvre du Traité à travers les règlements des assemblées aboutirait aux mêmes difficultés que celles décrites plus tôt par le Pr Touzeil-Divina : une rationalisation à l’extrême du temps mis à disposition des parlementaires pour exercer leurs droits.
En conclusion, Mme la Présidente Gaté a remercié l’ensemble des participants et des intervenants, en les conviant à la prochaine conférence qui se tiendra le 22 avril 2011 et qui aura pour thème : « Tous fichés ? ».
Wafa TAMZINI